Architectures du cœur
Dès l’aube de la science, l’homme s’efforce de définir sa place , son identité dans un monde vertigineusement agrandi par la connaissance. Les romantiques , en littérature et en peinture, nous livrent les échos de cette prise de conscience, ce désarroi, cet émerveillement de l’être devant les forces infinies de la nature et de l’inconnu.
L’art est ce lieu sacré où l’homme est en contact avec son intuition, sa conscience d’être……
Cette ultime aventure commence par la fusion magique de la main avec la matière, du corps avec l’espace. L’enfant qui laisse ses doigts errer sur le sable, trace des volutes, de libres courbes, saisit en quelque sorte son essence profonde, son identité. Nous écrivons, peignons, sculptons, dansons ou jouons au rythme apaisé de notre respiration. La main, le corps sont des instruments portés par la sensibilité, l’énergie, le cœur. Toutes nos créations originelles, nos premières musiques, outils, écritures, dessins et sculptures sont le miroir le plus profond et le code le plus précis de notre humanité. Nous pensons avec des images .Que cette simple prise de conscience nous projette dans la réalité avec un regard neuf, ébloui : l’observation , la contemplation deviennent une méditation visuelle consciente ou plutôt, une parfaite concentration où l’observateur s’identifie au sujet observé .
Cet émerveillement, cette curiosité sont au cœur de la science. Einstein perçut notre quête d’identité, de connaissance, de spiritualité comme notre essence indissociable, vitale . Et il mit en garde celui qui ne peut scruter l’univers sans émerveillement comme étant déjà mort. Selon lui, l’art n’est rien sans la science et la science n’est rien sans l’art.
La magie du dessin, un véhicule spontané d’expression et d’analyse à intégrer dans notre quotidien :
Le rythme de la ligne demeure, comme celui de toute musique, l’architecture de notre perception, l’énergie, le chemin, le véhicule de nos pensées créatrices. Les premières recherches sur le cerveau furent engendrées par les sciences criminelles où les statistiques établirent un lien indissociable entre l’environnement et le comportement ( au-delà des paramètres sociaux et familiaux).
L’abstraction pure n’existe pas dans la mesure où nous apposons toujours intuitivement, marques et couleurs en un rythme qui mesure, incarne des émotions et nous invitent à imaginer , penser en images….Nous devons nous centrer sur nos liens profonds avec l’architecture de la réalité qui nous entoure et en quelque sorte, nous forme. Observons, créons et retraçons notre ressenti .
L’éclatement architectural de la réalité décrite par le cubisme, le vorticisme et le futurisme, reflètent tous nos déchirements, toutes nos guerres, notre difficulté de définir notre relation avec la technologie, notre humanité.
La courbe est un déploiement du geste, de l’esprit, un envol , une liberté….la légèreté du sensible incarné. Elle reflète la vie, ininterrompue dans le mouvement, la fusion de directions opposées, un sentiment de plénitude : une continuité, un point de rencontre, un pont entre deux dimensions : une douce protection et une ouverture sur le monde extérieur.
Dans toutes les études d’enfants , inventant librement des formes inspirées par la musique, la courbe est dominante et les détails nous rappellent les belles fractales de la nature.
C’est pourquoi le Prince Charles avait plaidé pour cet équilibre entre la courbe et la ligne droite dans l’architecture moderne. Il nous avait rappelé que les voutes, de la voute romane au gothique flamboyant, nous ont été inspirées par nos forêts et ses voûtes naturelles. Notre visionnaire Leonardo de Vinci avait déjà esquissé des piliers d’allure gothique avec une nef de feuillage.
Roy Pickering apprit nos jeunes maîtres à briser les contours, les défaire et les reconstruire, à apposer des marques pour créer un tissu sensible, profond de contrastes, où la forme, une multitude de détails émergent avec spontanéité et légèreté, d’un nuage de transparences. Comme si on touchait la réalité et on la couvrait des voiles de nos impressions, de notre ressenti. Tout repose sur la qualité, la liberté de ce geste, un point de rencontre si simple mais à la fois mystérieux de l’homme avec la matière , incarnant la fusion du regard et du cœur avec la réalité.
Et son remarquable travail dans les écoles et notre exposition à Paris en 2004, dans la mairie du 8éme, ouvrit à tous les portes d’un monde intérieur. Un maître absolu de créativité .
Susan Parkinson, fondatrice du Trust des Arts et de Dyslexie au Royaume-Uni et dont certaines céramiques appartiennent à la collection royale, nous inspira avec ses dessins dont la douceur est telle qu’elle nous donna, elle aussi, la sensation d’ effleurer la réalité.
Walter Fabeck, , Compositeur contemporain , pianiste, professeur et Directeur des Bank Keys Studios in London dont la musique résonne comme un battement de cœur , sourd et puissant, avec toutes les tonalités, les nuances les plus légères de l’émotion, a inspiré à tous les enfants de très belles peintures, parsemées de cœurs et qui, souvent, ressemblent à de belles fractales, celles d’un univers où le monde adulte doit se ressourcer.
Antonin Fontaine, jeune artiste, portraitiste et surréaliste de grand talent qui honora notre communauté avec plusieurs prix du salon d’Ouzouères, compléta avec moi et d’autres très jeunes artistes, une œuvre interactive, à l’écoute de l’improvisation de Walter Fabeck qui célèbra notre fête de la musique en 2009 à Bouzy La Forêt.
Monsieur Jean-Marc Habarnau, sculpteur et Monsieur Thierry Chassiot éducateur et écrivain participèrent aux rencontres oragnisées à Bouzy la Forêt en juillet 2010, afin que les enfants puissent se sentir valorisés par la présence de professionnels et développer le travail accompli en classe au-delà des portes de l’école, sous un angle complémentaire.
Hans Degner exposa des œuvres d’abstraction pure en mai 2014, à la mairie de Bouzy la Forêt, y rencontra adultes et enfants, encourageant les enfants à découvrir l’abstraction comme un langage d’émotion pure, de l’âme, s’engageant à rendre accessible à tous, au cœur de notre communauté rurale, ce dialogue profond à-travers l’art.
Hellmut Wolf, saxophoniste, Directeur artistique à Wolf Enterntainment, inspira des jeunes élèves âgés de 6 à 10 ans avec sa musique Land of the Whales, ( Terre des Baleines) nous permettant ainsi de découvrir la musique comme un langage précis, pour y remplir l’océan de nos âmes de toutes nos émotions, nos histoires, nos rêves. Gultekin Bilge, peintre expressionniste, maître de créativité que j'ai rencontré à la biennale de Londres en 2012 et dans son atelier en Ecosse, nous offrit les références de son travail, un univers unique où l’énergie ouvre tant de chemins à notre imagination.
Je remercie de tout cœur Monsieur Hellmut Wolf pour sa venue prochaine dans notre communauté, sa volonté de mettre au service de tous son talent, sa vision, pour y partager des projets sur la musique, la méditation, l’écriture, les arts visuels, une communication réelle , positive par de nouvelles formes de technologie, pour y défendre en vrai révolutionnaire du cœur, toutes les causes vitales à notre avenir commun : la paix, la défense des plus vulnérables, dont les femmes et les enfants de par le monde.
Ces rencontres enrichissantes me menèrent à la Chanteraie et Monsieur Jean-Michel Féré qui, offre une fusion absolue entre l’émotion, l’expression, le langage, le son et l’image dans le cadre naturel et privilégié de la Chanteraie. Parce qu’il libère la technique en se centrant sur l’expression, j’ai retrouvé, dans le chant, ma démarche de peintre et j’ai pu mieux comprendre comment Barbara Hepworth pouvait visualiser en trois dimensions, cette appartenance de tout son être à la Cornouailles.
Remplissons donc nos carnets de voyage de nos dessins, de nos mots, nos histoires, nos musiques, nos paysages présents et passés, nos souvenirs familiaux, notre identité, conscients que lorsque nous défendons notre région, nous apprécions le fait que notre environnement forme la matrice de notre esprit.
Remplissons donc, nos carnets de voyage avec ce partage de créativité, de rencontres d’artistes, d’amis solidaires conscients que nos résonances universelles ne peuvent être libérées que dans le cadre d’un dialogue chaleureux et ludique, entre professionnels et amateurs .Des résonances profondes qui mettent en relief notre individualité, pour nous unir dans nos différences, pour éclater toutes limites du potentiel humain, comprendre les mécanismes de nos pensées et de nos destinées.
Et dans ces carnets, nous y découvrons une universalité qui nous unit pour construire nos libertés, notre humanité.
Toutes nos images, notre respiration, nos émotions, toutes ces rencontres intérieures avec nous-mêmes et les autres sont une même vibration , un tissage , une musique dont la puissance extraordinaire n’est autre que notre perception, notre conscience élargie, notre capacité d’observer, de visualiser, d’imaginer de penser, de créer, d’agir spontanément, avec confiance, d’orchestrer en une unité intérieure magique, en une architecture intérieure du cœur ou de l’intuition, la profondeur de contrastes simultanés, les infinies tonalités de l’émotion, de nos œuvres et de nos vies.
C’est pourquoi je plaidai à la conférence internationale d’Engage à Helsinki, en 2012 ainsi qu’en juillet 2014 à Falmouth University, cette solidarité à travers l’art pour tous, où je fus heureuse de communiquer des références de travail d’enfants très jeunes, d’amateurs adultes reflétant cette universalité troublante, à travers la musique et la conscience du rythme de toute réalité .
Je remercie Engage de m’avoir invitée à ce dialogue qui est la fondation de toute sa remarquable action.
A Jane Sillis, Directeur d’Engage, à toutes ses collègues qui m’ont tant inspirée et rassurée que ce besoin de nous solidariser dans la définition d’une nouvelle éthique sur le partage de la créativité appartient bien , en priorité, à cette fusion de l’art et de la science, à une nouvelle science de vie, de société, sans laquelle nous ne pouvons survivre, je dois exprimer mon admiration et les réponses que j’y ai trouvées, dans un domaine si complexe :
- A la Summer School d’Helsinki en 2012, j’ai profondément apprécié l’intégrité avec laquelle toutes les parties présentes, conservateurs de musées et galeries nationales, ont remis en question la multiplicité de leurs complexes rôles dans cette révolution de notre perception que représente l’art, une révolution indissociable de la recherche scientifique et de toutes causes humanitaires : et dans ce partage difficile entre tâches administratives, responsabilités vis-à-vis de la communauté , les activités purement artistiques et celles d’éducateurs, il faut, en effet, agir en équipe solidaire où l’on détermine son rôle dominant afin de déléguer plus facilement des rôles intrinsèquement liés ;
- A la Summer School de Falmouth University en Cornouailles en juillet 2014, beaucoup de recherches dans des situations pratiques difficiles, permirent de définir comment intégrer les artistes éducateurs au sein de leur communauté avec une transcendance accrue :
- il s’agit bien d’apprécier le rôle et l’expérience unique des artistes et éducateurs en Galerie, de protéger leur action au sein de la communauté dans le cadre d’un consensus qui reconnaît, qu’il s’agisse d’un bénévolat ou d’un engagement rémunéré, le fait que leur enseignement est, en soi, une forme d’art auxquels leurs droits d’auteurs sont à respecter et que ce respect s’exprime par une convention, un partenariat de créativité , en priorité d’ordre moral, au sein de tout projet, où les rôles doivent être parfaitement définis et peuvent s’équilibrer en toute transcendance et flexibilité entre le bénévolat et l’auto-entrepreneuriat ;
- il s’agit bien de reconnaître la protection d’une égalité d’opportunités, de développer de nouvelles formes de communication et d’éducation pour tous groupes d’âge, des droits de l’homme les plus fondamentaux que représentent de tels partenariats de créativité pour la définition de nos libertés, de nos identités, de nos engagement dans la construction d’un monde meilleur où nous pouvons reconstruire, autour d'un tel consensus, des économies plus centrées sur l’homme et plus équitables ;
- il s’agit bien de mettre en place une nouvelle législation pour les œuvres complétées en commun où, en toute logique, enfants et adultes doivent être reconnus et respectés en tant que co-auteurs dans le cadre de conventions équitables , de mettre ainsi en place, de nouvelles formes de communication et d’éducation pour tous.
En tant qu’artiste et fondatrice de Jeunes Maîtres des Arts, afin de mieux vivre ma citoyenneté au sein de ma communauté, de l’Europe et du monde, je désire poursuivre ce partage :
- en offrant des échanges, des évènements culturels, des expositions et des concerts au service d’autres artistes et associations au sein de ma région et dans le cadre d’échanges internationaux,
- en poursuivant ce lien entre le chant et d’autres formes d’expression dans le cadre de mes propres expositions,
- en intégrant mes futures expositions sur le thème de la forêt, de l’eau, de la musique, de l’architecture, de l’imaginaire et du surréalisme , berceaux de l’intuition;
- en poursuivant, avec l’aide de Monsieur Hellmut Wolf, une plateforme de visibilité internationale pour tout travail reflétant ce dialogue entre la musique et les arts plastiques, entre générations afin d’y reconnaître le talent et l’identité de tous .
Béatrice Cofield,
Fondatrice de Jeunes Maîtres des Arts
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